Conférence de Vincent Bontems dans le cadre du colloque « L’influence souterraine de la science sur la littérature et la philosophie (et réciproquement) »
La psychanalyse de la connaissance peut s’étendre au-delà des quatre éléments alchimiques, Gaston Bachelard ayant lui-même souligné la spécificité de l’imagination matérielle liée à l’obscurité, à l’élément nocturne, c’est-à-dire à cette « matière onirique » qu’il nomme « la ténèbre».
Dans le prolongement de cette pensée, nous proposons un double examen de trois concepts physiques où figure l’adjectif « noir » : le trou noir, la matière noire et l’énergie noire. Pour comprendre le sens de ces idées noires, il faut, à la fois expliciter le processus de re sémantisation par lequel la physique transforme la signification de l’adjectif, ce qu’il dénote, mais aussi ce qu’il connote, en laissant libre cours à une divagation poétique qui révèle comment la noirceur « colore » en retour les concepts en les associant à d’autres images. Le trou noir n’est plus seulement une singularité de la théorie de la relativité générale mais aussi un symbole formidable de la dépression et de la mélancolie ; la matière noire n’est plus seulement une hypothèse astrophysique mais aussi l’objet fantasmé d’une recherche alchimique ; le mystère de l’accélération de l’expansion de l’univers nous lance à la poursuite de l’énergie noire comme dans un roman policier de la série noire.
C’est en combinant ainsi l’épistémologie et la psychanalyse de la connaissance que nous espérons que les idées noires donnent matière à penser et à rêver.
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Cursus :
Ancien élève de l'ENS--‐LSH, agrégé de philosophie et docteur en histoire et philosophie des sciences et des techniques de l'EHESS.
Il est chercheur au Laboratoire de recherche sur les sciences de la matiere (LARSIM) du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives
(CEA). Il travaille sur l'épistémologie de la physique, la philosophie des techniques et la sociologie des sciences. Il dirige l'Atelier Simondon. Il est l'auteur de Bachelard (Belles Lettres, Paris, 2010).
Dernière mise à jour : 04/12/2014