Conférence de Jean Trinquier lors du colloque "Les enfants sauvages" organisé par Déborah Lévy-Bertherat et Mathilde Lévêque du département Lila ENS.
Parmi les légendes ou mythes légués par l’Antiquité classique figurent en bonne place les récits d’enfance hors du commun, qui commencent par un meurtre avorté, destiné à éliminer celui dont un oracle annonce qu’il s’emparera du pouvoir au détriment du souverain en place ou de sa famille ; le futur concurrent est exposé à sa naissance dans un lieu à l’écart des habitations et des champs, que cette exposition ait été directement ordonnée par le pouvoir en place ou qu’elle se substitue au châtiment initialement prévu du fait de la défaillance de l’instrument des volontés royales.
Le nourrisson exposé, loin de périr d’inanition ou d’être dévoré par un prédateur ou par un charognard, doit souvent son salut à l’intervention d’un animal femelle, qui lui tend une mamelle secourable. On est là tout près, du moins en apparence, du thème de l’enfant sauvage élevé par des animaux. Il importe cependant de déterminer la portée exacte de cette première étape dans la vie du futur souverain ou héros. Avant de parler d’enfant sauvage, il faut s’interroger d’une part sur la signification et les conséquences de cet allaitement interspécifique, en se demandant s’il représente un ensauvagement, d’autre part sur la durée de cette familiarité avec une femelle animale et sur les étapes de la réintégration du nourrisson exposé au sein de la société humaine.
On essaiera de montrer que les enfants exposés ne survivent pas dans un espace radicalement étranger à l’homme et à ses activités, dans lequel ils se retrouveraient en tête-à-tête avec les animaux sauvages, mais dans un espace pastoral parcouru par les troupeaux, leurs défenseurs et leurs prédateurs. D’autre part, l’allaitement interspécifique est avant tout un signe d’élection et ce n’est que secondairement et facultativement qu’il contribue à façonner le caractère du nouveau-né.
Voir aussi
Institutions : Ecole normale supérieure-PSL
Cursus :
Jean Trinquier est maître de conférences dans le Département des sciences de l’Antiquité de l’École normale supérieure, où il enseigne la langue et la littérature latines. Ses recherches portent sur les relations entre les sociétés humaines et les animaux dans l’Antiquité. Il a notamment travaillé sur les pratiques cynégétiques romaines et sur les chasses-spectacles, ou venationes.
Cliquer ICI pour fermerDernière mise à jour : 19/04/2024