Conférence de Elena Vogman, chercheuse à l’Institut de littérature comparée Peter Szondi, professeure invitée à l'ENS lors du cycle "Métamorphose des valeurs : Eisenstein et le Capital". Un cycle de conférences qui se propose d’examiner les enjeux esthétiques, politiques et morphologiques du projet inachevé de Sergueï Eisenstein de réaliser un film à partir du Capital (1927–1928). Le cinéaste aspirait à se servir de La Critique de l’économie politique de Marx comme d’un « scénario » pour son projet de film. Le Capital aurait dû lui permettre de révolutionner le cinéma par l’emploi de méthodes inédites : « faits divers », « images dialectiques », « monologue intérieur », méthodes toutes inspirées par l’Ulysse de Joyce.
Introduction par Ada Ackerman (chargée de recherches au CNRS (THALIM). Spécialiste du travail de Sergueï Eisenstein, qu’elle cherche notamment à envisager à travers le prisme de l’histoire de l’art, elle s’intéresse aux relations entre cinéma et arts plastiques.
Cette conférence est consacrée à une présentation des matériaux liés au projet du Capital. La complexité de ce corpus d’archive implique de mettre au point une méthode de lecture et de déchiffrage qui tienne compte de l’extrême hétérogénéité des supports qui le constituent – textes et images montés et remontés – ainsi que de son caractère disparate, lacunaire et abrupt. Ces « lambeaux pour des mises en relations complexes » ou encore ces « pensées hérissées » (Eisenstein) forment comme une réponse à une crise de la représentation : une crise qui affecte le cinéma, la publicité et la médiatisation du politique en 1927 et 1928. Impossible de comprendre la logique d’ensemble du projet du Capital sans examiner cette crise, qui se joue dans le visible et dont Eisenstein expose toute la violence au gré des pages du Capital.
Cette crise, telle qu’Eisenstein la met en scène dans ses pages-montages, sera analysée en relation avec le projet Glass House et la notion d’« attraction intellectuelle » – soit deux projets d’Eisenstein contemporains du Capital, qui eux aussi déploient une crise de la « visibilité de l’homme politique ». La valeur de cette crise semble donc rejoindre celle de « la valeur d’exposition ». Ce concept, issu de l’essai sur « L’œuvre d’art » de Walter Benjamin et publié sept ans après le Capital d’Eisenstein nous aidera en effet à éclairer les enjeux esthétiques et politiques du projet d’Eisenstein.
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Cursus :
Elève à l’Ecole normale supérieure, Ada Ackerman a entrepris une recherche doctorale qui porte sur les dessins de S.M. Eisenstein et sur leurs rapports, en amont, avec les caricaturistes français (Daumier au premier chef), et en aval avec la genèse de l’œuvre cinématographique, notamment Ivan le Terrible.
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Cursus :
Elena Vogman mène actuellement une recherche post-doctorale dans le cadre du projet « Rythme et Projection » (Institut de Littérature Générale et Comparée, Freie Universität de Berlin).
Elle est l’auteur de Sinnliches Denken. Eisensteins exzentrische Methode (2018, Diaphanes), ouvrage tiré de sa thèse de doctorat. Elle prépare actuellement un ouvrage, à paraître en 2019, Dance of Values. Eisenstein’s Capital Project.
Les travaux d’Elena Vogman s’articulent autour du cinéma soviétique, des pratiques du montage, des formes de la pensée visuelle ainsi que, plus généralement, autour des relations entre littérature, ethnologie, art et sciences. Avec Marie Rebecchi et Till Gathmann, elle a également assuré le commissariat de l’exposition Sergei Eisenstein : The Anthropology of Rhythm à la Nomas Fondation, à Rome (2017-2018), puis de l’exposition Eccentric Values after Eisenstein à l’Espace Diaphanes, à Berlin (2018).
Dernière mise à jour : 02/07/2020