Depuis plus de cinq décennies, la méthode des occultations stellaires a permis d'explorer le système solaire avec des précisions de l'ordre du kilomètre sur les objets étudiés. C'est une prouesse impossible à réaliser avec l'imagerie classique, et ce même avec des télescopes spatiaux.Cette méthode consiste à observer le passage d'un objet planétaire devant une étoile, et d'enregistrer le signal de cette dernière à haute cadence, typiquement une à plusieurs images par seconde. Cela implique en général des observations simultanées depuis plusieurs stations d'observations distribuées sur plusieurs pays. Et cas rare en science moderne, les "astronomes citoyens" apportent souvent une contribution essentielle à ces projets. Sans être exhaustif, on peut mettre au crédit des occultations stellaires les découvertes des anneaux d'Uranus et de Neptune (années 1970-80), et plus récemment autour des planétoïdes Chariklo et Hauméa (années 2010-2020). Elles ont également permis de sonder les atmosphères de Titan de Pluton bien avant que des sondes spatiales ne les survolent.
Je présenterai ici plus en détail la récente découverte d'un anneau autour de Quaoar, un résultat publié dans la revue Nature le 9 février 2023. Quaoar est un objet Trans-Neptunien qui a une taille d'environ la moitié de celle de Pluton. Outre le fait de montrer que les anneaux sont probablement monnaie courante autour des petits corps du système solaire externe, l'anneau de Quaoar pose un problème épineux dans la mesure où ... il ne devrait pas exister. En effet, il est très éloigné de Quaoar, et à ce titre, se situe bien au-delà de la limite de Roche du corps. Cette limite, calculée par l'astronome et mathématicien Édouard Roche en 1850, signifie que des particules d'un anneau lointain devraient s'accréter en un satellite sur des échelles de temps très courtes (quelques années) et donc disparaître. Je présenterai cette découverte et je discuterai les modèles que nous proposons pour résoudre un tel paradoxe.
Exposé de Bruno Sicardy (Observatoire de Paris / LESIA -Université Paris-Sorbonne) lors du cycle des conférences du Bureau des Longitudes organisée à l’ENS en partenariat avec le Département des Géosciences.
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Cursus :
Bruno Sicardy, professeur à l’université Pierre-et-Marie-Curie, attaché au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (Lesia), est un membre éminent de la confrérie des chasseurs d’« occultations stellaires ».
En 1984, il codécouvrit les anneaux de Neptune en compagnie de André Brahic et de William Hubbard. Il consacre l'essentiel de ses travaux à l'observation et à l'étude de la dynamique des anneaux et atmosphères planétaires, ainsi qu'à la dynamique des disques protoplanétaires.
Il a reçu de nombreux prix, parmi lesquels une subvention du CER pour observer les occultations stellaires. Le nom "Sicardy" a été donné à l'astéroïde ceinture principale 6280 en 1994.
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