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Dynamiques des 'pimenteiros' : les Portugais et la contrebande du poivre
samedi 25 novembre 2017

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Descriptif

Exposé de Dejanirah Couto (EPHE/IVe section) dans le cadre du colloque "Le poivre, de l’Antiquité à l’époque moderne: un luxe populaire ?"  

« Dynamiques des pimenteiros : les Portugais et la contrebande du poivre dans l’océan Indien dans la première moitié du XVIe siècle »

À  ses  débuts,  l’Estado da India fut  d’abord  une  entreprise  d’État,  nettement  orientée vers l’établissement de relations commerciales pacifiques avec les peuples de l’Inde occidentale – supposés frères dans la foi –, et le combat contre l’Égypte mamelouke,  usurpatrice  des  Lieux  Saints.  L’empire  fut  fondé  sur  la  redistribution  des  marchandises,  non  sur  leur  production.  Une  telle  économie  de  services  fut  largement  dépendante  de  son  insertion  dans  les  économies  locales  et  de  leurs  fluctuations.  Nouveaux  intermédiaires,  les  Portugais  se  spécialisèrent  dans  le ravitaillement  des  grandes  villes  côtières,  de  l’Afrique  Orientale  jusqu’à  Malacca,  en  faisant  le  commerce  des  produits  valant  «  monnaie  d’échange  »  comme  le  poivre. Dans le but de se procurer des bénéfices et de garantir un minimum de contrôle des prix, la Couronne instaura un régime de monopole (formalisé par des mesures  coercitives,  les  cartazes,  autrement  dit,  les  sauf-conduits  délivrés  par  les  Portugais aux embarcations indigènes). Cette réglementation provoqua la réaction des  communautés  marchandes  asiatiques,  une  limitation  de  la  demande  et  une  baisse des prix sur les marchés, installant une âpre concurrence entre Portugais et marchands musulmans de l’océan Indien. 
Parachevée  par  la  conquête  d’Ormuz  en  1515    la  poussée  expansionniste  fut  de  courte  durée.  À  la  mort  d’Albuquerque,  en  1515,  la  centralisation  étatique  du  commerce  avait  progressé,  mais  les  déséquilibres  structuraux  de  la  balance  commerciale  entre  l’Inde  et  le  Portugal  s’accentuèrent  dans  la  mesure  où  les  épices devaient être payées comptant alors que les Portugais disposaient de peu de liquidités pour régler les transactions. Ils furent donc amenés à trouver d’autres financements ; quelques-uns se mêlèrent de plus en plus du commerce régional, s’immisçant dans les filières du trafic traditionnel asiatique. En dépit des tentatives de  réglementation  de  la  Couronne,  et  de  quelques  sanctions,  c’est  toute  une  économie parallèle – dite « d’Inde en Inde » –, qui se développa, caractérisée par un grand pragmatisme commercial, entraînant le développement exponentiel des partenariats commerciaux avec des marchands locaux.
Sans  renoncer  à  ses  monopoles  régaliens,  l’État  choisit  de  devancer  l’initiative  privée  qui  battait  en  brèche  ses  prérogatives.  En  1517,  le  nouveau  gouverneur  Lopo  Soares  de  Albergaria  accorda  «  l’autorisation  à  tous  pour  qu’ils  naviguent  et trafiquent là où ils le voudraient ». Connue sous le nom de « a grande soltura » (la  grande  ouverture),  cette  mesure  de  libéralisation,  interprétée  par  quelques  historiens  comme  la  «  tendance  anarchisante  »  au  sein  du  jeune  empire,  eut  de  réelles conséquences sur les modalités de la présence portugaise en Asie. De 1517 à 1521, les marchands privés, trafiquants, corsaires et mercenaires, essaimèrent dans l’océan Indien (au Sri Lanka en particulier), en Asie du Sud et en Asie du Sud-Est (golfe du Bengale et mer de Chine). La contrebande du poivre s’installa dans l’océan  Indien  occidental  notamment,  fragilisant  le  monopole  royal,  enrichissant  les pimenteiros,  avec  des  conséquences  sur  la  logistique  du  commerce  et  les  équilibres des m archés régionaux du poivre. En s’appuyant sur une documentation de première main, la présente communication s’attachera à éclairer les mécanismes de cette contrebande sous le gouvernement des quatorze premiers gouverneurs et  Vice-rois  de  l’Estado da India,  entre  1505  et  1550  (de  D.Francisco  de  Almeida  jusqu’à Jorge Cabral).

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Auteur(s)
Dejanirah Couto
EPHE
Maître de conférences

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Cursus :

Historienne, spécialiste du monde lusophone, Dejanirah Couto est née à Lisbonne. Elle est maître de conférences à l’École pratique des Hautes Études (IV°section).

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Dernière mise à jour : 13/02/2018