Conférence de Irina V. Tunkina sur l'historien russe Michel Rostovtzeff.
Un schéma tenace de l'historiographie occidentale veut que les idées et les concepts de base qui ont fait de M.I. Rostovtzeff (1870-1952) un classique mondial des sciences de l'Antiquité se soient constitués après son émigration de Russie soviétique en 1918, puisque c'est aux États-Unis qu'il a bénéficié des conditions les plus favorables pour sa recherche. Pourtant l'étude des manuscrits qu'il a laissés et des travaux qu'il a publiés dans nombre de langues européennes durant la période russe de sa vie (291 titres entre 1894 et 1918), permet de réfuter de façon décisive ces constructions artificielles des historiographes. Rostovtzeff a d'abord été le disciple d'un grand savant russe dont cet exposé s'attache à analyser les positions : N.P. Kondakov (1844-1925). Rostovtzeff lui a emprunté sa façon d'aborder scientifiquement les sources archéologiques et l'ampleur de vue dont il fait preuve dans sa façon de poser les problèmes historiques et archéologiques, ainsi que la conscience qu'il a de la nécessité d'étudier, pour le Sud de la Russie, non seulement le substrat grec, mais aussi le substrat nomade, iranien, à partir des documents archéologiques. Ce n'est certes pas un hasard si c'est précisément à Kondakov que Rostovtzeff a dédié le travail fondamental qu'est La Peinture décorative antique en Russie méridionale (1913-1914).
Pourtant, les contacts de Rostovtzeff avec les représentants allemands des sciences de l'Antiquité entre 1893 et 1914 furent également décisifs pour sa formation de savant. Des relations personnelles, voire même d'amitié féconde, le liaient aux archéologues des sections athénienne et romaine de l'Institut archéologique allemand : A. Mau, V. Dörpfeld, W. Amelung, O. Hirschfeld, A. Conze et d'autres encore. Son étude approfondie du produit des fouilles (Pompéi resta toute sa vie durant le site chéri de Rostovtzeff), son travail dans les musées et les bibliothèques des universités et des instituts allemands et autrichiens, la parution, dans des revues de langue allemande, de toute une série d'articles qui firent autorité dans le domaine de l'archéologie méditerranéenne, tout cela a construit la réputation de Rostovtzeff en tant que savant « de tout premier rang », comme le dit, en 1901, Wilamowitz-Moellendorf. Cela se concrétisa avec l'élection de Rostovtzeff comme membre correspondant de l'Institut archéologique allemand (1898), puis de l'Académie royale des Sciences de Prusse à Berlin (1914). Mais le début de la Première guerre mondiale mit un terme aux liens très étroits de Rostovtzeff avec la science allemande, et ils ne purent être rétablis qu'au milieu des années 1920.
Académie des sciences de Russie, Saint-Pétersbourg.
(Traduction Véronique Schiltz)
Voir aussi
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Cursus :
Irina Vladimirovna Tunkina est docteure en histoire, directrice des archives russes de l'Académie des Sciences à St Petersbourg.
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