Conférence donnée par Philippe Chardin dans le cadre du colloque « Du côté de chez Swann ou le cosmopolitisme d’un roman français », organisé par Antoine Compagnon et Nathalie Mauriac Dyer, Collège de France et École normale supérieure.
« Sécheresse » et « sentimentalité » constituent un couple de contraires récurrents qui déterminent dans l’œuvre de Proust elle-même des lignes de partage importantes (entre Romantisme et Classicisme, entre le XVIIIe siècle – envisagé comme un bloc voltairien d’un seul tenant – et le XIXe siècle, entre générations, entre personnages) et qui correspondent enfin à un partage géographique entre la littérature française dans son ensemble et les trois littératures européennes – littératures anglaise, russe et allemande – que Proust connaissait le mieux. Dans Du côté de chez Swann, différentes formes de sentimentalité (enfantine, et adolescente, bourgeoise, pieuse, didactique ou « frénétique » notamment) semblent influencées par ces modèles étrangers du XIXe siècle. Une brève cartographie des larmes montrera qu’il y a néanmoins dans la Recherche, par rapport au Proust d’avant Swann, effort de sublimation de ce « sentimentalisme ». Si son cosmopolitisme européen en matière de modèles romanesques a sûrement contribué à « sauver » Proust de cette sécheresse qui constituait à ses yeux un péril de l’âme en même temps qu’un péril esthétique incarné par le récit d’analyse psychologique à la française, il ne fait guère de doute que le salut esthétique est aussi passé pour lui par une Aufhebung de cette hyper sentimentalité, qui est conservée et en même temps dépassée dans son grand roman.
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Cursus :
Philippe Chardin est professeur de littérature comparée à l’université de Tours, ancien élève de l’ENS, co-responsable du séminaire Proust de l’ITEM (CNRS-ENS) avec Nathalie Mauriac Dyer.
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