Conférence donnée par Marion Thomas dans le cadre des Jeudis de l'HPS, organisés par le département de philosophie.
L’histoire de la psychologie animale est un champ de savoirs et de pratiques scientifiques encore peu exploré par les historiens des sciences, cependant fécond, notamment par les liens qu’il établit avec l’histoire de la psychologie. En particulier, la psychologie animale éclaire la manière dont la psychologie, au début du XXe siècle, dessine ses frontières et cherche à construire sa scientificité en évitant certains objets problématiques. Parmi ces derniers, les états mentaux des animaux, et plus particulièrement l’intelligence animale, constituent un objet que la psychologie hésite à faire entrer dans son champ de recherche. C’est cet objet que nous nous proposons d’examiner dans cet article. Nous chercherons à explorer les trajectoires qu’il décrit en nous appuyant principalement sur l’étude comparée des travaux du zoologiste français Louis Boutan (1859-1934) et ceux du psychologue américain Robert Yerkes (1876-1956). Dans les deux cas, nous analyserons les conditions intellectuelles, institutionnelles et politiques qui conduisirent à l’« invention » de l’intelligence animale dans la première moitié du XXe siècle. Cela nous permettra de mettre en évidence les liens souvent fragiles qui se tissèrent entre la psychologie animale et la psychologie humaine. Notamment, nous examinerons les obstacles que rencontra la psychologie animale pour s’affirmer comme discipline autonome et comment elle chercha à se définir avec, mais aussi contre, les nouveaux impératifs de la psychologie. En d’autres termes, nous montrerons comment, au début du XXe siècle, l’intelligence animale fut un objet à l’identité instable, dont nous avons identifié trois facettes. Tout d’abord objet suspect, l’intelligence animale sera repoussée par la psychologie ; ensuite, instrumentalisée, elle servira de support à l’émergence de la psychologie enfantine ; enfin, dans le contexte de l’Amérique de l’entre-deux-guerres, elle finira par s’affranchir et à exister à côté de la psychologie, non sans avoir au passage servi sa cause.
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Cursus :
Marion Thomas est ingénieur agronome de formation et docteur en histoire des sciences de l’université de Manchester. Ses recherches relèvent de l’histoire sociale et culturelle des sciences du vivant aux XIXe et XXe siècles. Elle a travaillé sur l’histoire du comportement animal, en particulier sur l’histoire de l’intelligence animale, de l’instinct maternel animal et des sociétés animales. Ses recherches l’ont aussi amenée à s’intéresser à l’histoire de la médecine vétérinaire au XVIIIe siècle, aux liens entre génétique mendélienne et amélioration des plantes, et aux questions sociales et éthiques liées à l’émergence des biotechnologies au XXe siècle. Depuis 2013, elle coordonne un projet de recherche franco-allemand qui porte sur l’histoire de l’émergence et de la réception de la théorie cellulaire en France et en Allemagne au XIXe siècle. Le projet intitulé « POLCELL » est financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR) et la Deutsche Forschung Gemeinschaft (DFG) et implique les universités de Strasbourg et de Braunschweig (Allemagne).
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