Conférence d'Irini-Despina Papaikonomou lors du colloque "Les enfants sauvages" organisé par Déborah Lévy-Bertherat et Mathilde Lévêque du département Lila ENS.
En Grèce ancienne, tout le long de l’enfance, le jeune individu est comparé à un animal non domestiqué, dans tous les types de discours : littéraires, philosophiques, biologiques ou médicaux. Sur un plan religieux, l’enfant arrive au monde par un événement d’extrême sauvagerie : la déesse Artémis, comparée à un « lion pour les femmes » , déclenche l’accouchement et décide de la survie de la primipare et celle de son rejeton, sur un mode métaphorique renvoyant à la bestialité et aux souffrances de la guerre et de la chasse. Divinité « bienveillante aux faibles petits des lions sauvages, ainsi qu'à tous les petits à la mamelle des bêtes des bois » , elle nourrit et conduit tous les êtres vivants de l’état le plus informe à la maturité sexuelle. Mais son nouveau-né, est senti comme un petit animal uni à sa mère par un lien naturel et non social. Des rites religieux et civiques sont prévus pour marquer les différentes étapes de ses passages, où les métaphores avec les animaux auront souvent cours, comme dans l’exemple du lion qui précède et que nous aurons l’occasion d’analyser. Quant au garçon, vivant avec ses congénères comme en troupeau, il accédera au statut de citoyen après avoir fait ses épreuves.
Pouvons-nous vraiment parler d’un enfant sauvage antique en utilisant le langage, la nourriture et le caractère, éthos, comme critères de distinction et dans quelles mesures correspond-il à celui du XVIIe s.? Dans quelles mesures les propositions pour élever les enfants dans les traces de la nature faites par J.-J. Rousseau dans son Emile correspondent-elles aux prescriptions des médecins grecs et celles de Platon, dont la République fut le modèle de l’éducation ? Et si Platon considère l’animalité comme un état antérieur de l’humanité, croyance répandue chez les Grecs qui craignent un basculement vers ce monde bestial, sur quel principe de la culture s’appuie alors l’éducation d’Achille ?
Voir aussi
|
Cursus :
Irini-Despina Papaikonomou est docteure en histoire et archéologie de la Grèce ancienne. Sa recherche porte sur l’anthropologie de l’enfance, les rites funéraires, l’anthropozoologie, et l’Histoire de la Religion, de la médecine et de la biologie. Elle est membre du programme Sinergia de l’Université de Fribourg sur l’histoire de l’allaitement, et a notamment participé à ses travaux sur les mythes d’allaitement interspécifique.
Cliquer ICI pour fermerDernière mise à jour : 28/01/2016